Dans un arrêt du 21 janvier 2016, la Cour de cassation a eu l’occasion de statuer sur la responsabilité des agents immobiliers et des architectes dans le cadre de la vente d’un bien immobilier.
Cour de Cassation – chambre civile 3 – 21 janvier 2016 – n° de pourvoi 14-12144
Dans cet arrêt, les faits étaient les suivants. Deux époux avaient décidé d’acquérir un immeuble de rapport à titre d’investissement locatif. L’immeuble se composait de 6 logements. Ils avaient visité le bien par l’intermédiaire d’un agent immobilier.
Ils avaient appris, lors d’un premier rendez-vous de signature, de leur vendeur que celui-ci n’avait sollicité aucun permis de construire pour les modifications qu’il avait apportées aux biens. Ils avaient donc demandé à ce que la vente soit différée jusqu’à ce qu’un permis de construire de régularisation soit accordé. Le lendemain, le vendeur avait mandaté un l’architecte à l’effet de constituer un dossier de demande de permis de construire. L’architecte avait établi, sur les indications du vendeur, un descriptif de l’état antérieur dressant des plans décrivant les modifications réalisées, documents sur lesquels il avait revêtu son cachet.
L’acte de vente avait, toutefois, été signé avant que le permis de construire ne soit délivré.
Les acquéreurs avaient, néanmoins, reconnu par écrit devant le notaire avoir été informé par ce dernier de la réglementation en vigueur en matière de permis de construire et des risques encourus en cas d’infraction à la réglementation applicable.
C’est après la vente qu’ils avaient constaté que les biens ne pouvaient pas être loués, certaines pièces, qualifiées de chambres, ne comportant ni fenêtre, ni ouverture, d’autres ne disposant pas d’une hauteur sous plafond suffisante.
Constatant la non-conformité des biens aux normes d’habitabilité applicables, ils avaient assigné leur vendeur recherchant également, dans le cadre de leur action, la responsabilité de l’agence immobilière qui leur avait fait visité l’immeuble et celle de l’architecte ayant dressé les plans pour le compte du vendeur.
Leur responsabilité ayant été retenue, ils ont contesté celle-ci devant la Cour de cassation. Ils soutenant que leur responsabilité avait été engagée sans que ne soient établies les fautes qu’ils auraient commises et sans ne soit démontré le lien de causalité s’imposant entre les prétendues fautes et le préjudice subi par les acquéreurs.
Or, la Cour de Cassation a approuvé les décisions ayant retenu leurs responsabilités.
S’agissant de la responsabilité de l’agent immobilier,
La Cour d’appel avait relevé que l’obligation d’information qui pesait sur celui-ci lui imposait, dès lors que la nature du bien ne laissait aucun doute sur l’intention des acquéreurs de maintenir le bien dans sa destination d’immeuble de rapport, de procéder à toutes les vérifications utiles s’imposant pour apprécier la conformité des lieux aux normes d’habitabilité. Elle avait relevé le fait que la visite des lieux ne pouvait que susciter chez un professionnel des transactions immobilières des réserves sans que ce dernier ne puisse soutenir que les normes n’étaient pas notoires.
L’agent immobilier soutenaient quant à lui que sa responsabilité avait été abusivement retenue dans la mesure où le tribunal n’avait pas tranché la question de sa faute et que le lien de causalité entre celle qu’il aurait pu commettre et le préjudice des acquéreurs soit établi. Il entendait également rappeler que, devant le notaire, les acquéreurs avaient déclaré avoir été informés que le vendeur n’avait pas souscrit, lors de la construction des ouvrages, d’assurance dommage ouvrage et qu’ils avaient accepté de réaliser la vente en estimant être suffisamment informés sur la qualité de la qualité de la construction et sur les formalités administratives qui avaient été effectuées auprès de la mairie.
Or, la Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel ayant retenu sa responsabilité pour manquement à son obligation d’information. Selon la Cour de Cassation, la responsabilité de l’agent était encourue faute d’avoir informé les acquéreurs de la non-conformité des lieux aux normes d’habitabilité. Elle a considéré que cette absence d’information avait causé un préjudice aux acquéreurs qui avait perdu « la chance de renoncer à leur acquisition ou d’en modifier les conditions ».
« Attendu qu’ayant relevé que le manquement de la société A. à son obligation d’information à l’égard des acquéreurs sur la conformité des lieux aux normes d’habitabilité leur avait causé une perte de chance de renoncer à l’acquisition ou d’en modifier les conditions et que, s’ils avaient connaissance d’une telle impropriété de l’immeuble à sa destination du fait de son insalubrité, ils auraient vraisemblablement renoncé à leur investissement, la cour d’appel a pu déduire que la société A. devait être condamnée à réparer le préjudice des acquéreurs, dont elle a souverainement fixé le montant. »
Il s’agit là d’une responsabilité forte pesant sur l’agent immobilier.
Par ailleurs, s’agissant de la responsabilité de l’architecte, la cour de cassation l’a retenue dans le contexte et le fondement suivant.
L’architecte indiquait qu’il ne s’était vu confier par le vendeur que la mission de décrire les lieux dans leur état antérieur et de mentionner, dans des plans, les modifications apportées. Il soutenait qu’il ne pouvait être tenu pour responsable de la situation litigieuse, à savoir de la vente des biens impropres à être loués puisque non conformes aux normes d’habitabilité. Que c’est à tort que la cour d’appel avait retenu sa responsabilité en indiquant qu’il lui appartenait toutefois d’attirer l’attention du vendeur sur le non-respect de ces normes d’habitabilité, non-respect qui n’avait pas pu lui échapper lorsqu’il avait visité l’immeuble.
Or, la Cour de Cassation a approuvé la décision de la Cour d’Appel. Elle a indiqué, à propos de la responsabilité de l’architecte :
« Attendu qu’ayant relevé que Monsieur Z., professionnel averti, avait visité les lieux puisqu’il en avait établi les plans et que leur non-conformité aux normes d’habitabilité minimale n’avait pu lui échapper, que la nature de l’immeuble divisé en 6 logements ne laissait pas le moindre doute sur la vocation locative de ce dernier et qu’il était tenu à l’égard de M. Y., vendeur, même dans le cadre limité de la mission reçue, d’une obligation de conseil et d’information qui aurait dû le conduire à lui indiquer clairement les désordres présentés par les ouvrages réalisés et les risques de mise en jeu de la responsabilité auquel il était exposé, la cour d’appel a pu en déduire que ce manquement engageait la responsabilité délictuelle de Monsieur Z à l’égard des époux X, qui avaient perdu une chance de renoncer à l’acquisition et de ne pas subir le préjudice lié à l’impropriété à la destination du bien acquis. »
Avocat Paris – droit immobilier