Maître Dominique Ponté – Avocat Paris loi de 1948
L’article 5 de la loi de 1948 dans sa version résultant de la loi du 16 juillet 2006 (2006. 872) refuse, en cas de décès de l’occupant, un droit au maintien dans les lieux aux héritiers de ce dernier, descendants majeurs. Ce texte prévoit, par ailleurs, en cas de décès du locataire, une résiliation de plein droit du bail loi de 1948.
La formulation de cet article impose, tout d’abord, de distinguer le locataire de l’occupant de bonne foi.
Le locataire d’un appartement soumis à la loi de 1948 s’entend de celui, qui occupe les lieux, en vertu d’un contrat de bail pour lequel il n’a pas reçu congé. L’occupant de bonne foi s’entend, en revanche, de celui qui se maintient sur place par l’effet de la loi, après le terme du bail. Tel est le cas du locataire, qui aurait reçu congé.
C’est donc la délivrance d’un congé qui, dans le cadre de la loi de 1948, transforme un locataire en occupant de bonne foi.
Le régime juridique
Avant la loi (2006-872 2006-07) du 16 juillet 2006, les enfants majeurs pouvaient, en cas de décès de leur ayant droit, locataire, invoquer la transmission du bail à leur profit en se prévalant des dispositions de l’article 1742 du Code Civil prévoyant que « le contrat de location n’est point résolu par la mort du bailleur (…) ».
En effet, sous l’empire de la loi 86.1290 du 24 décembre 1986, le contrat de bail souscrit sous le visa de la loi du 1er septembre 1948 n’encourait pas la résiliation de plein droit en cas de décès du locataire. En d’autres termes, si la transmission du bail n’était pas contractuellement exclue, les enfants majeurs du locataire décédé pouvaient invoquer la transmission du bail à leur profit et, donc, la qualité de locataires.
Dans un arrêt du 24 mai 2000, la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation (pourvoi 98.19 330) a ainsi fait application de l’article 1742 du Code Civil dans un litige où un bailleur avait assigné le fils majeur du locataire, après son décès :
« Vu l’article 1742 du Code civil, ensemble les articles 4 et 5 de la loi du 1er septembre 1948 ;
Attendu que le contrat de louage n’est point résolu par la mort du bailleur, ni par celle du preneur ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (…) que la société SAGI propriétaire d’un appartement donné à bail à Mme Y… dans lequel cette dernière vivait avec son fils majeur M. X…, a assigné ce dernier, après le décès de la locataire, pour le faire déclarer occupant sans titre et ordonner son expulsion ; que la SAGI, ayant par la suite délivré congé à M. X… en lui déniant tout droit au maintien dans les lieux, a demandé que ce congé soit déclaré valable ;
Attendu que, pour accueillir ces demandes, l’arrêt retient que depuis l’entrée en vigueur de l’article 27 de la loi du 23 décembre 1986, le descendant majeur qui vivait avec le locataire au moment de son décès n’a plus droit au bénéfice du maintien dans les lieux et que M. X… est donc titulaire d’un bail auquel il peut être mis fin par un congé de droit commun ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’aucun congé n’avait été délivré à Mme Y…, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »
Dans un arrêt du 20 septembre 2005 (pourvoi n° 04.16.953), elle a fait application de ce même principe :
« Attendu que la cour d’appel a exactement retenu que les dispositions de l’article 1742 du Code civil devaient recevoir application dès lors que la locataire n’avait pas été destinataire d’un congé délivré au visa de l’article 4 de la loi du 1er septembre 1948. »
En revanche, en cas de décès d’un occupant de bonne foi, il n’est plus possible pour l’enfant majeur, depuis la loi du 23 décembre 1986, lorsque le décès est postérieur à l’entrée en vigueur de cette loi, d’invoquer la transmission du droit au maintien dans les lieux. (Cour d’Appel 6ème chambre B, 2 juin 1993, loyers et copropriété octobre 1993 n° 344)
La modification de l’article 5 de la loi de 1948, par la loi du 23 décembre 1986, ne porte toutefois pas atteinte aux droits acquis antérieurement, lesquels s’apprécient au jour du décès. Ainsi, l’enfant majeur, au jour du décès de sa mère, occupante en 1984, à savoir avant la loi susvisée de 1986, peut demeurer dans les lieux.
« Attendu que M. X…, devenu propriétaire des locaux loués à M. et Mme Y… en 1938, fait grief à l’arrêt attaqué de décider que M. Y…, fils de ces derniers, et son épouse sont occupants de bonne foi, bénéficiaires du maintien dans les lieux à la suite du décès de Mme Y… mère, survenu le 2 septembre 1984, alors, selon le moyen, 1° qu’en faisant application de l’article 5 de la loi du 1er septembre 1948 dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 décembre 1986, dont les dispositions d’ordre public de l’article 27 ont modifié en privant du droit au maintien dans les lieux les descendants majeurs au moment du décès du locataire ou de l’occupant de bonne foi, la cour d’appel a violé l’article 5 de la loi de 1948 tel que modifié par l’article 27 de la loi de 1986 ; (…)
Mais attendu qu’ayant relevé que Mme Y… mère, occupante bénéficiant du droit au maintien dans les lieux par l’effet d’un congé du 28 avril 1949, était décédée le 2 septembre 1984 et que M. Y…, son fils, vivait avec elle depuis 1971, la cour d’appel, qui a souverainement apprécié l’absence de mauvaise foi des époux Y… en constatant que M. X… connaissait leur situation, a exactement retenu qu’il convenait d’appliquer la législation en vigueur à la date du décès de l’occupante ; »
Il est donc fondamental, pour apprécier les droits des enfants majeurs, d’examiner le régime juridique applicable au moment du décès du locataire ou de l’occupant.